Je sais ce qui se passera si je fais le mauvais choix. Il faut que je sois fort ; il ne faut pas que je prenne le pouvoir pour moi-même. Car j’ai vu ce qui se produira si je le fais.

35

 

Pour travailler avec moi, avait dit Kelsier, je ne te demande de me promettre qu’une chose : me faire confiance.

Vin était suspendue dans la brume, immobile. Elle flottait autour d’elle comme un cours d’eau tranquille. Au-dessus d’elle, devant elle, sur les côtés et en dessous. De la brume tout autour d’elle.

Fais-moi confiance, Vin, avait-il dit. Tu m’as fait assez confiance pour sauter du haut du rempart, et je t’ai rattrapée. Cette fois aussi, tu vas devoir me faire confiance.

Je vais te rattraper.

Je vais te rattraper…

C’était comme si elle ne se trouvait nulle part. Parmi la brume, et intégrée à elle. Comme elle l’enviait. La brume ne réfléchissait pas. Ne s’inquiétait jamais.

Ne souffrait jamais.

Je vous faisais confiance, Kelsier. Réellement – mais vous m’avez laissée tomber : Vous m’aviez promis que vos bandes ne connaissaient pas la trahison. Et ça, alors ? Et la vôtre, de trahison ?

Flottant toujours, elle éteignit son étain pour mieux voir les brumes. Elles étaient légèrement humides et fraîches sur sa peau. Comme les larmes d’un mort.

Pourquoi est-ce que ça a encore de l’importance ? se demande-t-elle en regardant vers le ciel. Pourquoi est-ce que quoi que ce soit en a encore ? Qu’est-ce que vous m’aviez dit, Kelsier ? Que je n’avais jamais vraiment compris. Que j’avais encore des choses à apprendre sur l’amitié ? Et vous, alors ? Vous ne l’avez même pas combattu.

Elle le revoyait encore là-bas. Le Seigneur Maître le terrassait d’un coup dédaigneux. Le Survivant était mort comme n’importe quel homme.

C’est pour ça que vous hésitiez tellement à me promettre de ne pas m’abandonner ?

Elle aurait tant aimé pouvoir simplement… partir. S’envoler. Devenir brume. Autrefois, elle avait rêvé de liberté – puis avait cru la trouver. Elle s’était trompée. Ce n’était pas la liberté, cette douleur, ce trou béant en elle.

C’était comme avant, quand Reen l’avait abandonnée. Quelle différence ? Au moins, Reen avait été honnête. Il lui avait toujours promis qu’il partirait. Kelsier l’avait fait avancer, lui avait demandé de faire confiance et d’aimer, mais c’était Reen qui lui avait toujours dit la vérité.

— Je ne veux plus faire ça, murmura-t-elle aux brumes. Vous ne pouvez pas me reprendre ?

Elles ne répondirent pas. Elles continuèrent à tournoyer comme par jeu, indifférentes. Toujours changeantes – et pourtant toujours identiques.

— Maîtresse ? l’appela d’en bas une voix hésitante. Maîtresse, vous êtes là-haut ?

Avec un soupir, Vin brûla de l’étain, puis éteignit son acier et se laissa retomber. Sa cape de brume flottait tandis qu’elle descendait parmi les brumes ; elle atterrit silencieusement sur le toit au-dessus de leur planque. Sazed se tenait un peu plus loin, près de l’échelle d’acier dont les vigies s’étaient servies pour monter au sommet du bâtiment.

— Oui, Saze ? demanda-t-elle avec lassitude, main tendue pour rappeler les trois pièces dont elle se servait comme points d’ancrage afin de se stabiliser. L’une d’entre elles était tordue et pliée – celle-là même que Kelsier et elle avaient utilisée pour un duel d’allomancie tant de mois auparavant.

— Je suis désolé, Maîtresse, répondit Sazed. Je me demandais simplement où vous étiez passée.

Elle haussa les épaules.

— C’est une nuit étrangement calme, je trouve, déclara Sazed.

— Une nuit de deuil.

Des centaines de skaa avaient été massacrés suite à la mort de Kelsier, et d’autres centaines encore avaient été piétinées lors de la tentative de fuite.

— Je me demande si sa mort a eu le moindre sens, dit-elle doucement. On a sans doute sauvé beaucoup moins de gens qu’ils n’en ont tué.

— Ils ont été tués par des hommes malveillants, Maîtresse.

— Ham demande souvent si le mal existe vraiment.

— Maître Hammond aime poser des questions, répondit Sazed, mais lui-même n’en connaît pas les réponses. Il y a des hommes malveillants… tout comme il y a des hommes bons.

Vin secoua la tête.

— Je me trompais sur Kelsier. Ce n’était pas un homme bon rien qu’un menteur. Il n’a jamais eu de plan pour vaincre le Seigneur Maître.

— Peut-être, répondit Sazed. Ou peut-être qu’il n’a jamais eu l’occasion de mettre ce plan en pratique. Peut-être que nous ne comprenons tout simplement pas ce plan.

— On dirait que vous croyez encore en lui.

Vin se retourna pour s’avancer jusqu’au bord du toit plat et contempler la ville obscure et silencieuse.

— En effet, Maîtresse, répondit Sazed.

— Comment ? Comment est-ce que vous y arrivez ?

Sazed secoua la tête et vint se placer près d’elle.

— La croyance n’est pas réservée aux temps de paix et aux jours heureux, je crois. Qu’est-ce que la croyance – qu’est-ce que la foi – si elle ne persiste pas après l’échec ?

Vin fronça les sourcils.

— Il est facile de croire en quelqu’un ou en quelque chose qui réussit toujours, Maîtresse. Mais l’échec… eh bien, il est certainement et nettement plus difficile d’y croire. Assez pour lui donner une certaine valeur, je crois.

Vin secoua la tête.

— Kelsier ne le mérite pas.

— Vous ne le pensez pas réellement, Maîtresse, répondit calmement Sazed. Vous êtes furieuse à cause de ce qui s’est passé. Vous êtes blessée.

— Oh si, je le pense, répondit Vin, qui sentit une larme couler sur sa joue. Il ne mérite pas notre croyance. Il ne l’a jamais méritée.

— Les skaa ont une autre opinion – leurs légendes à son sujet se développent très rapidement. Je vais bientôt devoir revenir ici pour les recueillir.

Vin fronça les sourcils.

— Vous voulez recueillir des histoires sur Kelsier ?

— Bien entendu, répondit Sazed. Je recueille tout ce qui concerne les religions.

Vin ricana.

— On ne parle pas de religion, Sazed. On parle de Kelsier.

— Je ne suis pas d’accord. Il représente bel et bien une figure religieuse aux yeux des skaa.

— Mais on le connaissait, répondit Vin. Ce n’était ni un prophète ni un dieu. Juste un homme.

— Comme beaucoup d’entre eux, je crois, dit doucement Sazed.

Vin se contenta de secouer la tête. Ils restèrent un moment à observer la nuit en silence.

— Et les autres ? demanda-t-elle enfin.

— Ils réfléchissent à ce qu’ils vont faire ensuite, répondit Sazed. Je crois qu’ils ont décidé de quitter Luthadel séparément pour chercher refuge dans d’autres villes.

— Et… vous ?

— Je dois voyager vers le nord – vers ma patrie, la terre des Gardiens – afin de pouvoir partager mon savoir. Je dois parler du journal à mes frères et sœurs – surtout les propos concernant notre ancêtre, le dénommé Rashek. Il y a beaucoup à apprendre de ce récit, je crois.

Après une pause, il lui jeta un coup d’œil.

— Ce n’est pas un voyage que je peux entreprendre accompagné, Maîtresse. Les terres des Gardiens doivent rester secrètes. Même à vous, je ne peux rien révéler.

Évidemment, songea Vin. Évidemment qu’il s’en va aussi.

— Je reviendrai, promit-il.

Bien sûr. Comme l’ont fait tous les autres.

La bande lui avait donné un temps l’impression d’être nécessaire, mais elle avait toujours su que ça prendrait fin. Il était temps de retourner dans les rues. De retrouver la solitude.

— Maîtresse…, dit lentement Sazed. Vous entendez ?

Elle haussa les épaules. Mais… il y avait bel et bien quelque chose. Des voix. Elle fronça les sourcils et s’avança vers l’autre côté du bâtiment. Elles gagnaient en volume, au point de devenir distinctes même sans étain. Elle regarda par-dessus le bord du toit.

Un groupe de skaa, peut-être une dizaine en tout, se tenait en bas dans la rue. Une bande de voleurs ? se demanda Vin tandis que Sazed la rejoignait. Le groupe grossissait tandis que d’autres skaa quittaient timidement leur logement.

— Venez, dit un skaa qui se tenait à l’avant du groupe. Ne craignez pas les brumes ! Le Survivant ne se baptisait-il pas Seigneur des Brumes ? Ne disait-il pas que nous n’avions rien à craindre d’elles ? En effet, elles vont nous protéger, nous fournir un abri. Et même nous donner du pouvoir !

Tandis que des skaa de plus en plus nombreux quittaient leur foyer sans répercussions visibles, le groupe se mit à grossir encore davantage.

— Allez chercher les autres, dit Vin.

— Bonne idée, répondit Sazed qui se dirigea rapidement vers l’échelle.

— Vos amis, vos enfants, vos pères, vos mères, vos épouses et amants, dit le skaa tout en allumant une lanterne qu’il brandit. Leurs cadavres reposent dans les rues à moins d’une demi-heure d’ici. Le Seigneur Maître n’a même pas la correction de nettoyer les lieux de son massacre !

La foule se mit à acquiescer en marmonnant.

— Et même alors, poursuivit-il, est-ce que ce seront les mains du Seigneur Maître qui creuseront les tombes ? Non ! Ce seront les nôtres. Lord Kelsier le disait.

— Lord Kelsier ! acquiescèrent plusieurs hommes.

Le groupe s’agrandissait à présent, rejoint par des femmes et des jeunes gens.

Un bruit métallique au niveau de l’échelle annonça l’arrivée de Ham. Il fut bientôt rejoint par Sazed, puis par Brise, Dockson, Spectre et même Clampin.

— Lord Kelsier ! proclama l’homme en bas, tandis que d’autres allumaient des torches qui éclairaient les brumes. Lord Kelsier s’est battu pour nous aujourd’hui ! Il a tué un Inquisiteur immortel !

La foule grommela son assentiment.

— Mais ensuite il est mort ! hurla quelqu’un.

Silence.

— Et qu’avons-nous fait pour l’aider ? demanda le chef. Beaucoup d’entre nous étaient là – nous étions des milliers. L’avons-nous aidé ? Non ! Nous avons patienté et regardé, alors même qu’il se battait pour nous. Nous sommes restés plantés en silence et nous l’avons abandonné. Nous l’avons regardé mourir !

— Ah oui ? Et que disait le Survivant – que le Seigneur Maître ne pouvait pas vraiment le tuer ? Kelsier est le Seigneur des Brumes ! Ne se trouve-t-il pas avec nous en ce moment ?

Vin se retourna vers les autres. Ham observait attentivement la scène, mais Brise se contenta de hausser les épaules.

— Cet homme est fou, de toute évidence. Un fanatique religieux.

— Mes amis, je vous le dis ! hurla l’homme en bas, tandis que la foule continuait à grossir et qu’on allumait un nombre de torches croissant. Je vous dis la vérité ! Lord Kelsier m’est apparu cette nuit même ! Il m’a dit qu’il serait toujours avec nous. Allons-nous l’abandonner une fois de plus ?

— Non ! lui répondit-on.

Brise secoua la tête.

— Je ne pensais pas qu’ils avaient en eux les ressources nécessaires. Dommage que ce soit un si petit…

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Doc.

Vin se retourna, fronçant les sourcils. Il y avait une tache de lumière au loin. Qui ressemblait à… des torches, allumées dans la brume. Une autre apparut à l’est, près d’un ghetto skaa. Puis une troisième. En quelques instants, c’était comme si la ville tout entière resplendissait.

— Espèce de génie cinglé…, chuchota Dockson.

— Quoi ? demanda Clampin en fronçant les sourcils.

— On n’avait rien compris, répondit Dox. L’atium, l’armée, les nobles… Ce n’était pas ça, le projet de Kelsier. C’était ça ! Notre bande n’a jamais été censée renverser l’Empire Ultime – on n’était pas assez nombreux. En revanche, toute la population d’une ville…

— Tu es en train de nous dire qu’il l’a fait exprès ? demanda Brise.

— Il me posait toujours la même question, déclara Sazed derrière eux. Il me demandait toujours ce qui conférait une telle puissance aux religions. Chaque fois, je lui répondais la même chose… (Sazed les regarda, tête penchée.) Je lui disais que c’était parce que leurs adeptes avaient un objet pour lequel se passionner. Un objet… ou une personne.

— Mais pourquoi ne pas nous l’avoir dit ? demanda Brise.

— Parce qu’il savait, dit doucement Dox. Il savait quelque chose que nous n’aurions jamais approuvé. Il savait qu’il allait devoir mourir.

Brise secoua la tête.

— Je n’y crois pas. Dans ce cas, pourquoi s’embarrasser de nous ? Il aurait pu accomplir ça tout seul.

Pourquoi s’embarrasser…

— Dox, dit Vin en se retournant. Où est cet entrepôt que Kelsier avait loué, celui où il donnait rendez-vous à ses informateurs ?

Dockson réfléchit.

— Pas très loin, en fait. À deux rues d’ici. Il disait qu’il voulait se trouver près de la planque de repli…

— Montrez-le-moi ! dit Vin en enjambant le bord du bâtiment.

Les skaa rassemblés continuaient à hurler, avec un volume croissant. La rue tout entière flamboyait à mesure que les torches vacillantes changeaient la brume en un voile incandescent.

Dockson la conduisit le long de la rue, tandis que le reste de la bande les suivait. L’entrepôt, un grand édifice délabré, se dressait d’un air abattu dans le secteur industriel du ghetto. Vin s’en approcha, puis attisa son potin et brisa la serrure.

La porte s’ouvrit lentement. Dockson éleva une lanterne, dont la lumière révéla des entassements de métaux scintillants. Des armes. Des épées, des haches, des bâtons et des casques étincelèrent à la lumière – un incroyable butin argenté.

La bande contempla la pièce, émerveillée.

— C’était ça, la raison, déclara doucement Vin. Il avait besoin de la couverture fournie par Renoux pour acheter des armes en grand nombre. Il savait que sa rébellion en aurait besoin si elle devait réussir à prendre la ville.

— Mais dans ce cas, pourquoi rassembler une armée ? demanda Ham. C’était juste une couverture, ça aussi ?

— Sans doute, répondit Vin.

— Faux, dit une voix qui résonna dans l’entrepôt caverneux. Il y avait tellement plus que ça.

La bande sursauta et Vin attisa ses métaux… jusqu’à reconnaître cette voix.

— Renoux ?

Dockson éleva sa lanterne un peu plus haut.

— Montrez-vous, créature.

Une silhouette remua à l’arrière de l’entrepôt, demeurant parmi les ombres. Mais lorsqu’elle parlait, sa voix était nettement reconnaissable.

— Il avait besoin de l’armée pour fournir à la rébellion un noyau d’hommes armés. Cette partie de son plan a été… perturbée par les événements. Mais ce n’était qu’une des raisons pour lesquelles il avait besoin de vous. Il fallait que les maisons nobles tombent pour laisser un vide dans la structure politique. Il fallait que la garnison quitte la ville afin que les skaa ne soient pas massacrés.

— Il a prévu tout ça depuis le début, dit Ham, émerveillé. Kelsier savait que les skaa ne se soulèveraient pas. Ils étaient abattus depuis si longtemps ; entraînés à penser que le Seigneur Maître les possédait corps et âme. Il comprenait qu’ils ne se rebelleraient jamais… à moins qu’il ne leur fournisse un nouveau dieu.

— Oui, dit Renoux en s’avançant.

La lumière éclaira son visage, et Vin eut un hoquet de surprise.

— Kelsier ! hurla-t-elle.

Ham la saisit par l’épaule.

— Attention, jeune fille. Ce n’est pas lui.

La créature la regarda. Elle portait le visage de Kelsier, mais ses yeux… étaient différents. Ce visage n’affichait pas le sourire caractéristique de Kelsier. Il paraissait vide. Mort.

— Veuillez m’excuser, dit-il. Ce devait être ma partie du plan et c’est la raison pour laquelle Kelsier, au départ, m’a engagé. Je devais m’emparer de ses os une fois mort, puis apparaître à ses adeptes pour leur donner force et foi.

— Qu’est-ce que vous êtes ? demanda Vin, horrifiée.

Renoux-Kelsier la regarda, et son visage se mit alors à chatoyer, puis devint translucide. Elle voyait ses os à travers la peau gélatineuse. Il lui rappelait un…

— Un spectre des brumes.

— Un kandra, rectifia la créature, dont la peau perdit sa transparence. Un spectre de brume qui a… évolué, pourrait-on dire.

Vin se détourna, écœurée, se rappelant la créature qu’elle avait vue dans la brume. Des charognards, avait dit Kelsier… des créatures qui digéraient les cadavres et volaient leur squelette et leur image. Les légendes sont encore plus réelles que je ne le croyais.

— Vous aussi, dit le kandra, vous faisiez partie de ce plan. Vous tous. Vous demandez pourquoi il avait besoin d’une bande ? Il avait besoin d’hommes de qualité, capables d’apprendre à se soucier davantage des gens que de l’argent. Il vous a placés devant les armées et les foules pour vous laisser vous entraîner à commander. Il se servait de vous… en même temps qu’il vous préparait.

La créature regarda Dockson, Brise, puis Ham.

— Bureaucrate, homme politique, général. Pour qu’une nouvelle nation puisse voir le jour, il avait besoin d’hommes possédant vos talents individuels. (Le kandra désigna une grande page fixée à une table un peu plus loin.) Ce sont vos instructions. J’ai d’autres affaires auxquelles je dois vaquer.

Il se détourna comme pour partir, puis s’arrêta près de Vin et se tourna vers elle avec son visage dont la similitude avec Kelsier était dérangeante. Pourtant, la créature elle-même ne ressemblait ni à Renoux ni à Kelsier. Elle paraissait dépourvue de toute passion.

Le kandra éleva une petite bourse.

— Il m’a demandé de vous donner ceci.

Il laissa tomber la bourse dans la paume de Vin puis reprit son trajet, tandis que la bande s’écartait de lui alors qu’il quittait l’entrepôt.

Brise fut le premier à vouloir s’approcher de la table, mais Ham et Dockson le devancèrent. Vin baissa les yeux vers la bourse. Elle avait… peur de regarder son contenu. Elle se précipita pour rejoindre les autres.

La feuille était une carte de la ville, apparemment copiée sur celle qu’avait envoyée Marsh. Quelques mots étaient inscrits en haut.

 

Mes amis, vous avez beaucoup de travail à accomplir, et vous devez agir sans tarder. Vous devez organiser et distribuer les armes de cet entrepôt, puis dans les deux autres semblables, situés dans les autres ghettos. Il y a des chevaux dans une pièce latérale pour vous faciliter les trajets.

Une fois que vous aurez distribué les armes, vous devez vous emparer des portes de la ville et soumettre les membres restants de la garnison. Brise, c’est ton équipe qui va s’en charger – attaquez la garnison en premier lieu, afin de pouvoir vous emparer tranquillement des portes.

Il y a quatre Grandes Maisons qui conservent une présence militaire forte dans la ville. Je les ai indiquées sur la carte. Ham, ton équipe s’occupera de celles-là. Nous ne voulons pas d’une autre force armée que la nôtre à l’intérieur de la ville.

Dockson, reste en arrière pendant les frappes initiales. Des skaa de plus en plus nombreux vont venir aux entrepôts une fois que la nouvelle va se répandre. Les armées de Brise et de Ham vont inclure les troupes que nous avons entraînées, renforcées – je l’espère – par les skaa qui se rassembleront dans les rues. Vous devrez vous assurer que les skaa ordinaires reçoivent leurs armes, afin que Clampin puisse diriger l’assaut contre le palais.

Les bases d’Apaiseurs devraient déjà avoir disparu – Renoux en a donné l’ordre à nos équipes d’assassins avant de venir vous chercher pour vous conduire ici. Si vous avez le temps, envoyez quelques-uns des Cogneurs de Ham inspecter ces bases. Brise, tes Apaiseurs seront nécessaires parmi les skaa pour les encourager à faire preuve de bravoure.

Je crois que c’est tout. On s’est bien amusés, non ? Quand vous vous souviendrez de moi, s’il vous plaît, ne l’oubliez pas. Rappelez-vous de sourire. Maintenant, faites vite.

Puissiez-vous régner en toute sagesse.

 

La carte divisait la ville, et chaque secteur affichait le nom d’un membre de la bande. Vin remarqua qu’elle en était exclue, ainsi que Sazed.

— Je vais retourner trouver le groupe que nous avons laissé près de la planque, grommela Clampin. Les amener ici pour leur fournir des armes.

Il fit mine de s’éloigner en clopinant.

— Clampin ? dit Ham en se retournant. Ne le prends pas mal, mais… pourquoi est-ce qu’il ta inclus parmi les chefs de l’armée ? Qu’est-ce que tu connais à la guerre ?

Clampin ricana puis souleva sa jambe de pantalon, dévoilant une longue cicatrice tordue qui lui courait le long de la cuisse et du mollet – cause manifeste de sa boiterie.

— Où crois-tu que j’aie eu ça ? demanda-t-il avant de se remettre en marche.

Ham se retourna, émerveillé.

— Je n’arrive pas à croire à ce qui est en train de se passer.

Brise secoua la tête.

— Et dire que moi, je croyais m’y connaître en manipulation. C’est… c’est incroyable. L’économie est sur le point de s’effondrer, et les nobles qui survivront seront bientôt en guerre ouverte dans les campagnes. Kell nous a montré comment tuer les Inquisiteurs – il nous suffira de les décapiter. Quant au Seigneur Maître…

Tous les regards se tournèrent vers Vin. Elle baissa les yeux vers la bourse qu’elle tenait en main et l’ouvrit. Un plus petit sac, manifestement rempli de billes d’atium, tomba dans sa paume. Suivit une petite barre de métal enveloppée dans une feuille de papier. Le Onzième Métal.

Elle ôta le papier.

 

Vin, lut-elle. La tâche que je devais te confier ce soir, à l’origine, allait être d’assassiner les nobles de haut rang toujours présents en ville. Mais tu m’as convaincu qu’ils devaient peut-être rester en vie.

Je n’ai jamais réussi à comprendre comment cette saleté de métal était censée marcher. Tu peux le brûler sans risque – il ne te tuera pas – mais il ne paraît rien faire d’utile. Si tu lis ces lignes, c’est que j’ai échoué à découvrir comment m’en servir quand j’ai affronté le Seigneur Maître. Je crois que ça n’a pas d’importance. Le peuple avait besoin d’un objet en lequel croire, et c’était la seule façon de le leur donner.

S’il te plaît, ne m’en veux pas de t’avoir abandonnée. Je m’étais vu accorder un sursis. J’aurais dû mourir à la place de Mare il y a des années. J’étais prêt pour ça.

Les autres auront besoin de toi. Tu es leur Fille-des-brumes à présent – tu vas devoir les protéger au cours des mois à venir. Les nobles enverront des assassins contre les dirigeants de notre royaume naissant.

Adieu. Je parlerai de toi à Mare. Elle a toujours rêvé d’avoir une fille.

 

— Qu’est-ce que ça dit, Vin ? demanda Ham.

— Ça dit… qu’il ne sait pas comment fonctionne le Onzième Métal. Il est désolé – il ne savait pas exactement comment vaincre le Seigneur Maître.

— Nous avons les habitants d’une ville entière pour le combattre, répondit Dox. Je doute sérieusement qu’il puisse tous nous tuer – si on n’arrive pas à le détruire, on n’aura qu’à le ligoter et le jeter dans un cachot.

Les autres acquiescèrent.

— Bon ! dit Dockson. Brise et Ham, vous allez devoir trouver ces autres entrepôts et commencer à distribuer des armes. Spectre, va chercher les apprentis on aura besoin d’eux pour livrer des messages. Allons-y !

L’assemblée s’éparpilla. Bientôt, les skaa qu’ils avaient vus un peu plus tôt se précipitèrent dans l’entrepôt, brandissant leurs torches, observant avec un respect mêlé de crainte cette abondance d’armes. Dockson s’activa efficacement, désigna plusieurs des nouveaux arrivants comme distributeurs et en envoya d’autres chercher leurs amis et leur famille. Les hommes commencèrent à se préparer, à rassembler des armes. Tout le monde s’affairait, sauf Vin.

Elle leva les yeux vers Sazed, qui lui souriait.

— Parfois, Maîtresse, il nous suffit d’attendre assez longtemps. Ensuite, nous découvrons exactement pourquoi nous avions continué à croire. Il y a un dicton que Kelsier aimait beaucoup.

— Il y a toujours un autre secret, murmura Vin. Mais Saze, tout le monde a quelque chose à faire à part moi. Au départ, j’étais censée aller assassiner des nobles, mais Kell ne veut plus que je le fasse.

— Il faut les neutraliser, répondit Sazed, mais pas forcément les assassiner. Peut-être que votre rôle consistait simplement à le démontrer à Kelsier ?

Vin secoua la tête.

— Non. J’ai autre chose à faire, Saze.

Elle serra la bourse vide, frustrée. Quelque chose se froissa à l’intérieur.

Elle baissa les yeux, ouvrit la bourse et remarqua un morceau de papier qu’elle n’avait pas vu auparavant. Elle le sortit et le déplia délicatement. C’était le dessin que lui avait montré Kelsier – l’image d’une fleur. Mare la gardait toujours avec elle, rêvant d’un avenir où le soleil ne serait pas rouge, où les plantes seraient vertes…

Vin leva les yeux.

Bureaucrate, homme politique, soldat… Il y a autre chose dont tout royaume a besoin.

Un bon assassin.

Elle se retourna, tira un flacon de métal, en but le contenu et se servit du liquide pour avaler deux billes d’atium. Elle se dirigea vers la pile d’armes et choisit un petit paquet de flèches. Elles étaient munies de pointes de pierre. Elle se mit à en briser les pointes, y laissant un centimètre de bois rattaché, et jeta les tiges empennées.

— Maîtresse ? demanda Sazed, inquiet.

Vin le dépassa, fouillant parmi les armes. Elle trouva ce qu’elle cherchait sous la forme d’une pièce d’armure évoquant une chemise faite de grands anneaux de métal enchevêtrés. Elle en dégagea plusieurs à l’aide d’un poignard et de ses doigts renforcés par le potin.

— Maîtresse, que faites-vous ?

Vin se dirigea vers un coffre près de la table, dans lequel elle avait aperçu un grand assortiment de métaux en poudre. Elle remplit sa bourse de plusieurs poignées de poussière de potin.

— C’est le Seigneur Maître qui m’inquiète, dit-elle en tirant une lime de la boîte pour prélever quelques copeaux du Onzième Métal.

Elle hésita, étudiant le métal inconnu et argenté – puis avala les copeaux avec une gorgée bue à même sa gourde. Elle plaça d’autres copeaux dans l’un de ses flacons de métaux de secours.

— La rébellion doit bien pouvoir s’occuper de lui, déclara Sazed. Il est nettement moins puissant quand il ne dispose pas de tous ses serviteurs, je crois.

— Vous vous trompez, répondit Vin en se dirigeant vers la porte. Il est puissant, Saze. Kelsier ne percevait pas son pouvoir, pas comme j’y arrive, moi. Il ne savait pas.

— Où allez-vous ? demanda Sazed derrière elle.

Vin s’arrêta sur le pas de la porte et se retourna, tandis que la brume tourbillonnait autour d’elle.

— Au cœur du palais, il y a une pièce protégée par des soldats et des Inquisiteurs. Kelsier a essayé d’y pénétrer deux fois. (Elle se retourna vers les brumes obscures.) Ce soir, je vais découvrir ce qu’elle contient.

L'empire ultime
titlepage.xhtml
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_047.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_048.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_049.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_050.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_051.html
Sanderson,Brandon-[Fils des Brumes-1]L'empire ultime(2006).French.ebook.AlexandriZ_split_052.html